Les enfants des mines : Entre injustice humaine et lueur d’espoir dans le mica de Madagascar
Dans les profondeurs de la mine de mica à Ranopiso, Fort Dauphin, un sombre tableau se dessine, où l’injustice économique se mêle aux réalités humaines. Chaque jour, plus de 10 000 enfants, main dans la main avec leurs parents, s’aventurent dans ces mines, confrontés à des conditions précaires et des situations déplorables.
Au cœur de cette exploitation, les exportateurs et les collecteurs intermédiaires affluent, achetant le mica à un prix dérisoire de 100 ariary le kilo directement des mineurs, pour le revendre à prix d’or, à 4000 ariary le kilo à Antananarivo. Pendant ce temps, une famille laborieuse peut à peine collecter 5 à 6 kilos de mica en une journée de travail ardu.
Pourtant, derrière ces chiffres se cache une tragédie humaine qui affecte le secteur minier, en général à Madagascar. En effet, 90% des mineurs, des enfants innocents, des jeunes et des jeunes adultes, sont exposés à la tuberculose, une maladie implacable qui se propage dans les conditions insalubres des mines.
Malgré l’espoir que suscite le nouveau code minier 2023 promettant l’interdiction du travail des enfants dans les mines, cette promesse reste lettre morte en attendant l’adoption de son décret d’application. Pendant ce temps, chaque journée de labeur dans les mines de mica à Ranopiso résonne avec l’écho de l’injustice économique et humaine qui persiste, impitoyable.
Sur le plan international, Madagascar se classe comme le quatrième plus grand exportateur de mica au monde. Les ramifications de cette exploitation s’étendent bien au-delà des frontières de l’île, avec la Chine en tant que premier destinataire du mica malgache. Ainsi, Madagascar se trouve être un des acteurs majeurs de la transition énergétique des pays développés car le mica est principalement utilisé dans les batteries solaires et les nouvelles technologies de l’énergie verte.
Les enfants des mines : Une lueur d’espoir vers une exploitation raisonnable et responsable
L’interconnexion mondiale ajoute une dimension supplémentaire à l’injustice économique et sociale qui sévit dans les mines de mica. Alors que le mica extrait par des enfants dans des conditions déplorables se retrouve sur les marchés internationaux, les bénéfices disproportionnés ne profitent qu’à une poignée d’opérateurs, les usines de transformation de produit semi-fini en Chine et les utilisateurs finaux dans les pays développés, laissant derrière eux des familles entières piégées dans un cycle de pauvreté et de maladie.
Il est opportun que les entreprises utilisateurs finaux et les exportateurs suivent les directives de l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques ou OCDE à travers la mise en place d’une diligence raisonnable et un approvisionnement responsable.
Actuellement, 13 journalistes viennent de grossir le rang des acteurs dans la lutte contre le travail des enfants dans le mica. Une action de plaidoyer en faveur de ces enfants des mines se profile, suite à un atelier de partage et de renforcement de capacités des journalistes, diligenté par Pacte Madagascar et l’ONG Terres des Hommes Netherlands.
Les 13 journalistes participants ont présenté deux plans d’action pour lutter contre le travail des enfants dans le mica, à l’issue des trois jours d’atelier à Antsirabe.
Pour passer de la situation d’injustice à une exploitation raisonnable et responsable dans la chaîne de valeur du mica à Madagascar, plusieurs solutions peuvent faire l’objet de prise de décision du gouvernement : la mise en place d’une politique nationale de lutte contre le travail des enfants, qui servira de cadre à tous les acteurs intervenants dans cette lutte. La création d’un fonds pour appuyer les efforts déjà engagés par le Comité National de Lutte Contre le Travail des Enfants CNLTE, et ses démembrements au niveau régional CRLTE Anosy et CLLTE, auquel peuvent contribuer les partenaires techniques financiers et le secteur privé, notamment les entreprises utilisateurs finaux. Enfin, l’adoption d’une approche transversale de la lutte contre le travail des enfants dans les actions humanitaires et de sécurité alimentaire, en mettant en place des cantines scolaires dans les établissements proches des mines de mica dans la région Anosy et Androy.
Fah Andriamanarivo